Soutien à Gaspard Glanz et à Taranis News

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le 23 avril 2019

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Arrêté samedi lors de l’acte XXIII du mouvement des Gilets Jaunes à Paris, le journaliste indépendant Gaspard Glanz a été placé en garde à vue prolongée puis déferé devant un magistrat au tribunal de Paris ce lundi 22 avril. Pour quel motif ? Selon un article de Libération, pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », ainsi que pour « outrage sur personnes dépositaires de l’autorité publique ». L’outrage serait un doigt d’honneur adressé à un policier qui avait violemment repoussé Glanz après que ce dernier eut demandé à parler à son supérieur (le moment de l’arrestation, filmé par Hors-Zone Presse, est visible en ligne). Selon toute vraisemblance, c’est moins ce geste de colère que l’opiniâtreté de Glanz à documenter les violences policières depuis le début du mouvement, et plus largement depuis la loi travail en 2016 sur le média indépendant Taranis news, qui lui vaut aujourd’hui d’être pris pour cible par l’appareil policier et judiciaire. Par-delà son cas particulier, la multiplication des violences à l’égard des preneurs d’images par les forces de l’ordre signale le changement de ton des autorités qui tendent désormais à criminaliser la presse quand elle n’est pas du côté du pouvoir.

Le SNJ (Syndicat National des Journalistes) a condamné dès samedi l’interpellation de Glanz et de son confrère Alexis Kraland. Las, le gouvernement qui, par la voix de son ministre de l’Intérieur, après les vingt-quatre plaintes déposées à la suite des violences commises contre journalistes et photographes en décembre dernier, avait promis des mesures de sanction à l’encontre des policiers responsables de ces actes, ne juge même plus utile de justifier cet exercice illégitime de la violence. Il faut dire que la seule proposition faite aux journalistes victimes de bavures après les manifestations de novembre et décembre avait été de les accueillir « à l’arrière des dispositifs [de police] afin de pouvoir les protéger », une proposition jugée « risible » sinon offensante par les journalistes et photographes concernés [11] [11] Voir cet article du Monde datant du 14 décembre 2018 . L’acharnement contre Glanz ne témoigne pas seulement de ce que l’ordre n’est plus au service de la loi, mais que toute caméra non-inféodée à un usage de surveillance et de contrôle constitue désormais une menace à la sécurité de l’Etat. C’est méconnaître le principe même de la liberté d’information et le sens plus particulier d’une circulaire de 2008 garantissant la liberté d’ « enregistrement et diffusion éventuelle d’images et de paroles de fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions ». Dans cette circulaire, le Ministère de l’Intérieur jugeait alors utile de rappeler aux préfets et fonctionnaires de police que « les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l’image » et qu’ils « ne peuvent donc s’opposer à l’enregistrement de leur image lorsqu’ils effectuent une mission. Il est exclu d’interpeller pour cette raison la personne effectuant l’enregistrement, de lui retirer son matériel, ou de détruire l’enregistrement ou son support ».

Dans une vidéo intitulée « Paris : la République en panne (épisode 2 : la honte) » publiée par Taranis news, on peut voir Gaspard Glanz répondre à un CRS qui cherche à l’empêcher de le filmer en lui lisant un memo Amaris du 25 avril 2017 rappelant aux forces de police qu’elles ne peuvent refuser d’être filmées sur la voie publique sous peine de s’exposer pénalement ou disciplinairement. Cette scène n’est pas isolée : les vidéos de Gaspard Glanz témoignent régulièrement de tels rappels à la loi face aux forces de l’ordre qui y contreviennent, par exemple lorsque celles-ci ne portent pas leur numéro de matricule, utilisent un matériel répressif non-réglementaire ou se servent d’un téléphone personnel à des fins de fichage administratif. Loin de venir entraver l’application de la loi, le travail de Glanz apparaît au contraire comme un garde-fou contre sa transgression par ceux-là mêmes qui sont censés la faire respecter.

L’injonction au respect de la loi ne peut être unilatérale et sélective : le doigt d’honneur que laisse échapper un journaliste après avoir été visé par un tir de grenades au genou ne peut être sanctionné sans que le tir de grenades et toutes formes d’intimidation et de provocation ne le soient également. Dans le cas contraire, la justice n’est plus qu’un outil arbitrairement utilisé par un pouvoir ajustant à son gré le champ du répréhensible afin d’éliminer ceux qu’il considère comme une menace tout en protégeant ceux qui le servent.

La sortie de détention de Gaspard Glanz le lundi 22 avril au soir ne règle rien puisqu’elle est assortie d’une interdiction qui lui est faite de se trouver à Paris les samedis et le 1er mai. Autrement dit, Gaspard Glanz est maintenant « libre » mais interdit de travailler.

Promulguer des lois censées lutter contre les « fake news » tout en envoyant en prison ou en interdisant de territoire ceux qui documentent au jour le jour ce qui se passe dans l’espace public relève pour le moins d’une contradiction des discours et des actes. La possibilité pour des journalistes, des cinéastes ou de simples citoyens de filmer et de rendre compte de la réalité est essentielle à la limitation des pouvoirs et de la force brute. C’est pourquoi il est de la responsabilité de tous ceux qui croient en la nécessité démocratique de cette limite et qui sont attachés au témoignage par l’image ou la parole d’apporter aujourd’hui leur soutien à Gaspard Glanz et d’exiger la levée immédiate de l’interdiction prononcée par le juge des libertés et des détentions.

Signataires :

Alice Leroy, Romain Lefebvre, Raphaël Nieuwjaer, Gabriel Bortzmeyer, Florent Le Demazel et Lucie Garçon, pour Débordements
Elsa Dorlin
Antoine Thirion
Antoine Viviani
Pierre Alferi
Caroline Zéau
Benoît Turquety
Jonathan Larcher
Eugenio Renzi
Valérie Massadian
Marion Siéfert
Yannick Reix
Matthieu Bareyre
Charlotte Garson
Jean-Sébastien Chauvin
Isabelle Saint-Saëns
Leyokki
Geoffrey Lachassagne
Vincent Deville
Elisabeth Perceval
Nicolas Klotz
Aliocha Imhoff
Toni D’Angela, pour La Furia Umana
Mathieu Potte-Bonneville
Valentina Novati
Matthieu Chatellier
Manuela Frésil
Régis Hébraud
Lili Hinstin
Charlotte Bayer-Broc
Paul Sztulman
Madeleine Aktypi
Olivier Cheval
Jeremie Brugidou
Olivier Marboeuf
David Yon
Mariana Otero
Raquel Schefer
Léo Richard
Lola Quivoron
Antonia Buresi
Valentina Novati
Dominique Cabrera
Claudine Bories
Patrice Chagnard
Eric Loret
Teresa Castro
Félix Rehm
Louis Henderson
Maxime Martinot
César Vayssié
Geoffroy de Lagasnerie
Catherine Bizern
Frédéric Goldbronn
Chantal Richard
Vincent Sorrel
Jacques Perconte
Laurent Krief
Marie José Mondzain
Daniela De Felice
Raphaël Szöllösy
Vincent Dieutre
Luc Chessel
Benjamin Thomas
Christophe Postic
Nicole Brenez
Philippe Faucon
Matthieu Dibelius
Daniel Cling
Frédéric Lordon
Eyal Sivan
Caroline Poggi
Jonathan Vinel
Doris Lanzmann
Marine Atlan
Jean-Louis Comolli
Laurence Reymond
Antoine Desrosières
Mohamed Megdoul
Julien Gester
Paul Guilloteau
Olivier Liron
Christophe Ruggia
Mona Journo
Baptiste Jopeck
Stéphane Zygart
Frédéric Neyrat
Mathieu Macheret
Chloé Mahieu
Frank Beauvais
Remi Bassaler
Guillaume Cage
Marie Voignier
Philippe Quesne
Barbara Métais-Chastanier
Elsa Brès
Alexandra Mélot
Eric Baudelaire
Catherine Hargreaves
Sébastien Hillairet
Marie Fabre
Antoine Laurent
Camille Louis
Bojina Panayotova
Nelson Bourrec Carter
Maxime Kurvers
Alain Guiraudie
Joseph David
Judith Revault d’Allonnes
Elsa Abderhamani
Nils Bouaziz
Pierre Zaoui
Martin Colombet
BOBY (Boris Allin)
Zeynep Jouvenaux
Benjamin Léon
Emmanuel Alloa
Sylvain George
Pierre-Alain Giraud
Florian Gaité
Neil Beloufa
Lou Colombani
Annabelle Bouzom
Thomas Jenkoe
Stéphane Lévy
Patrice Maniglier
Gildas Mathieu
Anne Berrou
Robert Bonamy
Eva Debray
Guillaume Noblet
Paul Grassin
Florence Johsua
Gaël Quirante
Leïla Frouillou
Vincent Legeay
Pierre Crétois
Sophie Dessein
Théophile Pénigaud
Sophie Wahnich
Emmanuel Gras
Dany Lang
Nathalie Loubeyre
Anna Tarassachvili
Emmanuel Burdeau
Lætitia Dosch
Peter Snowdon
Stefano Savona
Olivier Babinet
Julien Samani
Vincent Godard
Lucie Leszez
Claire Faugouin