Senses, Ryusuke Hamaguchi

A l'atelier

Le distributeur Art House a choisi de diffuser Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi en trois étapes étalées au cours du mois de mai. Renommé pour l’occasion Senses, la conversion du métrage en série s’entend. Où il est question d’enchaînement (des épisodes et des personnages), et où la fragmentation du récit va de pair avec une dislocation à l’œuvre. Senses suit quatre amies, la quarantaine approchant, au moment où elles opèrent un ou plusieurs pas de côté dans leurs vies en (se) disant les choses. Jun révèle qu’elle est en pleine procédure de divorce (son mari s’y oppose). On dit à Fumi que sa relation avec son époux est froide. Akari est dure, au travail et en dehors, envers elle-même et envers autrui. Sakurako enfin est une belle-mère dévouée et dévoyée à son foyer. Les quelques vérités ainsi énoncées suffisent à ébranler la chape de politesse qui semble recouvrir la ville de Kobe, où elles résident.

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Simon Lefebvre : À l’énoncé de ce résumé, on pourrait penser que Senses est une sorte de Desperate Housewives. Il n’en est évidemment rien mais la comparaison peut s’avérer éclairante. Dans la série de Marc Cherry, la banlieue bourgeoise américaine est un univers en soi, une vitrine pimpante derrière laquelle se passent mille et une péripéties. Ses héroïnes, femmes mannequins ou modèles standards, y sont les personnages d’un théâtre permanent dont les côtés cour et jardin sont ramassés l’un sur l’autre. Il s’agit là, basiquement, d’un voisinage et de ses trop nombreux vis-à-vis. Doublement exposées et enfermées, le but de ces femmes aurait pu être de s’échapper. Or Marc Cherry suit un programme inverse. En leur faisant occuper la vitrine comme une scène, il entend préserver cette première et verrouiller la visibilité qu’elle offre. Senses est également une série claire et lumineuse. Pourtant, dès le début, les quatre amies déjeunent en haut d’une colline sous un temps brumeux. La ville qu’elle surplombe, celle où elles vivent, a disparu derrière la grisaille. D’ici, les quatre femmes voient un peu mieux la chape. D’ici, elles voient qu’il faut en sortir pour de bon.

Ryusuke Hamaguchi ne cherche pas la vitrine mais la carte, d’où que Senses commence d’abord par une élévation. Du haut de la colline on cherche une vue qui, si elle est empêchée, nous oblige du moins à regarder ce qui au premier plan s’y trouve : le groupe d’amies. Dans ce proche-là, Hamaguchi va chercher le lointain qui manque, l’image de la ville en particulier, celle de l’archipel en général. On comprend que les cinq heures qui suivent, ici divisées en épisodes, constituent le temps nécessaire à un tel recul. Pour y parvenir, le réalisateur travaille d’abord avec ce qu’il a sous les yeux et sous le nez : quatre femmes discutant et mangeant sous un préau. Assises en ligne dans un train, puis en carré autour d’une table, il analyse les géométries du groupe, observe sa structure. L’amitié qui lie et relie Jun et Sakurako est ainsi la plus solide du quatuor. Axe ou diagonale, elle est ce autour de quoi les quatre femmes, comme quatre points, se retrouvent invariablement. Prendre acte de la forme de ce groupe, voir comment il est formé, est une manière de prendre connaissance de l’image qu’il renvoie (une amitié cordiale) comme on parcourt les six faces d’un Rubik’s cube avant de le démonter. De quoi cette image est-elle faite ? Quelles sont les autres images qui par ailleurs la composent ? Disloquer la bande, minute après minute, morceau après morceau, devient une manière d’en étudier les mécanismes.

Romain Lefebvre : Tu as raison de souligner l’aspect géométrique du travail d’Hamaguchi, et l’on pourrait dire que l’une des grandes qualités de Senses est de réussir à exprimer aux moyens de la mise en scène et du découpage un thème abstrait : c’est l’organisation de l’espace qui manifeste de façon privilégiée les rapports humains et sert ainsi de matière à ce qui constitue son centre, à savoir la recherche d’une communication juste. Il faut sans doute ajouter que l’écriture participe aussi pleinement de cette recherche, puisque le film ne se caractérise pas seulement par la dislocation du groupe d’amies, mais aussi par un usage marqué de la pause ou du détour, qui est rendu possible par la durée. C’est ainsi que Jun, à la fin du second épisode, discute pendant un long moment avec une inconnue croisée dans un bus. Cette séquence qui semble détachée du reste participe pourtant pleinement de ce qui travaille les personnages, et nous indique que, même si certaines vérités sont révélées sur soi et sur les autres, l’on est en effet aux antipodes d’une dramaturgie du secret : il faudrait plutôt parler d’une dramaturgie de l’échange, tendue vers une ouverture. Nous apparaissant en haut d’une colline brumeuse, les personnages peuvent très bien être vus au départ comme des espèces de monades déconnectées de leur environnement, et sans horizon. C’est cette brume qu’il s’agira de percer.

S. L. : Dans cette séquence du bus, il me semble que Jun ment à un moment donné – sur son métier, je crois. Cela veut aussi dire que ces amies ne se cachent pas seulement des choses entre elles pour maintenir une harmonie du groupe. Le mensonge ou l’omission participe d’une préservation de soi-même. Être ensemble ou être avec (ou tout simplement en communication), ce n’est pas faire bloc et c’est encore moins se livrer complètement. Il y a cette expression : être une personne entière. Lorsqu’on dit ça de soi-même, c’est qu’on ne cache rien de sa personne et qu’on peut tout dire aux autres. Les quatre femmes de Senses ne sont pas entières. Elles ne se livrent que par morceau et, comme symboliquement, elles se séparent (sans se diviser pour autant). Peu importe que les mensonges soient, comme l’écrivait Pagnol, « de finesse », c’est-à-dire bienveillants. Cela lui permettait, disait-il, de creuser les souterrains du langage, de la communication. Ici, mensonges et omissions volontaires agissent comme ce qui maintient côte à côte et comme ce qui éloigne. D’où que Senses soit un long travail d’ajustements, de réglages.

Parlant de réglages, il faut remarquer que trois séquences d’atelier scandent le film. Dans le premier, un intervenant propose aux participants une série d’expériences sensitives. On y écoute les ventres des autres gargouiller, on regarde si les pensées communiquent d’un crâne à l’autre. Chaque tentative est comme une phase de test. Dans le second, une jeune écrivaine présente la première nouvelle d’un recueil en cours d’écriture, pièce détachée d’un ouvrage loin d’être sorti d’usine. Le troisième atelier est le tribunal. Ici, la vie conjugale de Jun et de son mari est décortiquée, juges et avocats cherchant à en démêler les fils.

On comprend alors mieux les tous premiers plans du film, où l’on voyait les quatre femmes, dos au sens de la marche, remonter silencieusement à bord d’un funiculaire. Comme sur une chaîne, le groupe et ses membres partaient à l’atelier, en révision. Senses est un film doublement de révision et de re-vision. Chaque acteur sort en effet d’un atelier organisé par Ruysuke Hamaguchi et son producteur. Les participants, parmi lesquels ne figurent aucun comédien professionnel, y pratiquaient sous la tutelle du chorégraphe Osamu Jaero les mêmes exercices que ceux montrés dans le film. Davantage encore, il s’agissait pour eux d’apprendre à s’écouter (il n’était alors question ni de scénario, ni de personnages). De ces travaux préliminaires découlera la constitution du casting et la répartition des rôles.

Avec La maman et la putain (autre film fleuve), Jean Eustache disait avoir voulu « mettre la parole à la question »[11] [11] « À mon sens il n’y a aucun mode de pensée, ni d’éthique dans le cinéma. Tout juste une sorte d’idée abstraite qui guide pour le scénario, et qu’on oublie. Je disais en travaillant à La Maman : « Je vais mettre la parole à la question. – À la question ou en question ? – Non, non, à la question, comme sous la torture ». Je voulais faire quelque chose d’assez mouvant, moduler les utilisations de la parole sur toute la durée du film. », Jean Eustache, Le Monde, 24 décembre 1974. . On pourrait dire d’Hamaguchi qu’il la met à l’atelier. Serge Daney disait du premier que son sujet de prédilection était la répétition. C’est aussi celui de Senses, non pas seulement parce que le film rejoue un moment fondamental de sa fabrication, mais aussi parce qu’il s’efforce de montrer des cycles. Il en va de la routine quotidienne des personnages (il faut voir Sakurako et sa belle-même, l’une n’étant que la précédente version de l’autre) comme de moments plus particuliers. Au tribunal on rejoue la vie conjugale. À l’hôpital on demande à l’apprentie d’appliquer les protocoles. En public on lit un texte que l’on a déjà écrit. Au café on refait un débat qui vient juste d’avoir lieu. Dans chacun de ces moments – il y en a d’autres – c’est toutefois la variation qui s’impose (surgissement d’un commentaire qui manquait ou qui avait volontairement été tu ; passage de l’écrit à l’oral ; question qui n’a pas eu le temps d’être encore posée, etc.). Chez Hamaguchi, la répétition à valeur de réparation et de reconfiguration. S’il fait refaire, ce n’est jamais pour parfaire. À l’inverse, il s’agit toujours de défaire et de recommencer. Logique sérielle s’il en est : c’est en reprogrammant qu’on peut se déprogrammer.

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R.L : Mais il y a peut-être une autre manière de formuler ou de percevoir le rapport entre répétition et variation que tu pointes. Ce que tu appelles réparation ou reconfiguration pourrait aussi s’appeler redécouverte ou première fois. S’il y a passage de l’écrit à l’oral lors de la lecture de l’écrivaine Mlle Nose, je ne sais pas s’il faut dire que la lecture répète l’écriture ou plutôt qu’écriture et lecture sont deux choses tout à fait différentes. Et, pour celles et ceux qui y participent, l’atelier de l’artiste Ukai et ses expériences constitue aussi une expérience nouvelle. Peut-être que c’est le fait même que chaque atelier implique une situation d’échange qui entraîne une variation et une nouveauté : si certains éléments sont repris, ils sont toujours soumis à des auditeurs ou des interlocuteurs, bref à des points de vue, qui ne peuvent pas ne pas entraîner de mouvement.

Tu le dis d’ailleurs : il s’agit pour les acteurs comme pour les personnages d’apprendre à s’écouter. L’écoute, tout autant que la parole, est mise à l’atelier. Et un enjeu encore plus général est indiqué par le chapitrage du film d’après les cinq sens (dans l’ordre ici : Toucher, Entendre, Regarder, Sentir et Goûter) pour la distribution française : ces sens correspondent aux moyens avec lesquels chacun se rapporte aux autres et au monde, et il s’agit de les réengager dans des situations ou des échanges. On cherche d’ailleurs en vain ce qui dans tel ou tel chapitre se rapporterait à tel sens plutôt qu’à un autre, car c’est tout l’appareillage sensoriel qui devrait être révisé. Et si les ateliers mettent bien les personnages au travail et permettent une ré-vision, il faut aussi noter qu’il n’ont pas vocation à « produire » quelque chose d’immédiatement utilisable (quelque chose de l’ordre d’une sagesse voire d’une connaissance des sentiments). Il s’agit en effet de toujours recommencer : s’il y a reprogrammation, elle ne se distingue pas ici d’un processus relationnel ou de reconfigurations continues. C’est avant tout une question de proximité et d’écart, de contact et de distance, comme tu l’as suggéré. Il arrive ainsi que l’éclatement d’une vérité, si elle rompt avec une reproduction, accroisse néanmoins la distance entre les personnages, tandis que des attachements se maintiennent parfois par-delà les ruptures. Soit le point auquel le film mène la relation de Fumi et de son mari, point où la mort devient une occasion de recommencer, de se rapprocher. Mais l’on peut également penser au moment où Sakurako délaisse Fumi pour suivre un homme qu’elle vient de rencontrer, sans que cela ne remette en cause son amour pour son mari.

S.L : Demeure une chose étonnante. Seules les femmes prennent petit à petit conscience de ce qui les limite et les enclave. Les hommes – les leurs – sont quant à eux d’étranges machines qui buggent. Le mari de Fumi, personne pour le moins éteinte, (se) plante sitôt qu’elle le quitte. Celui de Sakurako, guère plus flamboyant qu’un robot-aspirateur, va de son appartement au travail, incapable de lui faire l’amour comme de réagir lorsque qu’elle lui annonce qu’elle l’a trompé. L’amant d’Akari, décrit comme un drôle de numéro – de quelle série ? – se vante d’une étrange compétence : celle de pouvoir aligner des objets en équilibre par centaine. Quant à sa façon d’interagir avec les autres, elle tient plus du logiciel que du dialogue. Et puis il y a ce mari, celui de Jun, qui ne veut pas divorcer – alors qu’elle le fuit comme la peste. Amoureux mais imperturbable, droit comme un i et le visage secoué par aucune expression, il ignore obstinément le malheur qu’il cause à sa femme – cela, semble-t-il, n’entre pas dans ses paramètres. Cette inhumanité bêta le rend doublement touchant et terrifiant, d’autant qu’il sait faire preuve d’intelligence et de sensibilité. Ces hommes-robots quelque peu ridicules sont bien le signe qu’en ce bas monde, quelque chose ne tourne par rond. De la mauvaise forme de la bande – cette ligne droite ou ce carré – ils sont de fait largement responsables. Ce n’est qu’en s’en séparant que les femmes trouvent un peu de latitude.

R.L : Je ne te suivrai pas totalement sur ce point. Si c’est peut-être à un degré moindre, il me semble que les personnages masculins sont eux aussi touchés ou « ouverts », et que le film ne les confine pas à leur statut initial d’hommes-robots. Tu parles du « bug » du mari de Fumi, mais le film contient une série de bugs ou de dérèglements qui, sous la forme de chutes brutales, tisse un lien par-delà les sexes. Le cas de Fumi et de son mari est frappant : le récit fait coïncider le « bug » du mari avec une chute de sa femme, ce parti-pris maintenant de fait un lien entre les époux par-delà la séparation qui vient d’avoir lieu. Jun et Akari connaissent aussi leurs chutes, et le mari de Sakurako, s’il est effectivement peu loquace, réagit physiquement à l’infidélité de sa femme en perdant l’équilibre dans les escaliers, entamant ainsi peut-être son processus de révision. Tout ce qui cloche devient finalement bon signe.

Si tu rapproches l’amant d’Akari, Ukai, des maris, il me semble qu’il convient tout autant de remarquer qu’Ukai est aussi un reflet inversé des maris : on peut d’ailleurs s’amuser à noter que le mari de Sakurako perd cet équilibre qu’Ukai arrive à trouver chez les objets. Alors que les maris vivent de routine et évitent les sujets importants, Ukai nous est présenté comme un personnage qui cherche le centre des choses et incite à un contact authentique. Mais cette opposition aux maris est en effet trop logique et impersonnelle, la preuve étant qu’il semble aborder les femmes comme des êtres interchangeables, faisant à l’une les mêmes offres qu’à l’autre. Alors qu’il cherche à révéler les autres à eux-mêmes, il est pour sa part fuyant et incapable de s’attacher. De fait, les deux artistes, Ukai et Mlle Nose, occupent une place à part dans le film. Au départ extérieurs aux relations de couple, ils apparaissent comme de purs opérateurs destinés à enclencher chez les autres une expérience de communication, des directeurs d’atelier dont les sentiments personnels ou même les capacités à éprouver des sentiments restent douteux.

Par ailleurs, une reconfiguration se produit au cours du film, renversant l’inversion : le spectateur peut au départ apprécier Ukai et détester le mari de Jun qui semble totalement fermé et braqué sur le contrat de mariage. Mais l’indifférence aux autres se déplace finalement du côté d’Ukai, alors que le mari de Jun surprend en se montrant capable de ressentir des émotions et d’analyser des sentiments. Pour le dire autrement : on pense qu’Ukai est plein, mais on s’aperçoit qu’il est vide à l’intérieur (comme le dit sa sœur et comme on l’observe dans la séquence de boîte de nuit, où son visage atteint également une impassibilité parfaite), tandis que le mari se remplit au fur et à mesure, ce notamment au travers de l’atelier-procès, qu’il vit comme le moment de communication le plus vrai de son mariage. Cet atelier fonctionne sur lui, qui en ressort touché et amoureux. Compte tenu de cette évolution à travers les dispositifs d’échange, je ne crois pas qu’on puisse parler d’inhumanité à propos de ce personnage qui, on peut le mentionner puisqu’il était question d’opposition des sexes, va jusqu’à évoquer une sensation de « devenir femme » à l’écoute de la nouvelle de Mlle Nose.

Le fait qu’il continue de ne pas vouloir divorcer n’enlève rien à son humanité, mais cela participe de la problématique du film et de l’absence de résolution dont on parlait. Une autre qualité de Senses réside dans l’articulation entre la recherche d’une communication juste et la reconnaissance d’une distance nécessaire ou d’une irréductibilité des points de vue, ce qui entraîne parfois une impression d’égoïsme et conduit nécessairement à un point d’achoppement. Il n’est en fait question que de ça dans la discussion au restaurant suivant la lecture de la nouvelle, le mari disant bien qu’il sait que Jun ne l’aime plus, et qu’il peut la comprendre, mais qu’il ne peut pas se mettre à sa place et que cela ne change rien pour lui puisqu’il l’aime. Ce qui le rend touchant n’est donc bien sûr pas l’ignorance ou le désintérêt pour ce que ressent sa femme, mais plutôt un attachement qui persiste en dépit du bon sens et qui le condamne probablement lui-même au malheur. Quand bien même sa volonté s’oppose à celle de sa femme, l’on peut se poser la question suivante : n’est-il pas en réalité arrivé au même point que Jun, à un point où l’on rompt avec l’enfermement et où l’on ne renonce plus à ce que l’on ressent ? L’approbation ou la désapprobation de sa conduite compte peut-être moins ici que le fait, suggéré par Mlle Nose, qu’il ne prétend pas parler pour une autre mais parle pour lui-même. Une communication sincère est peut-être devenue possible et, même si la fin de cette histoire nous restera inconnue, il n’y a plus qu’à attendre d’autres échanges et reconfigurations.

S. L : La fin laisse en effet imaginer d’autres heures passées à l’atelier : Akari y observe Kobe du haut de l’hôpital où elle travaille. La vue qui s’offre à elle n’a rien d’extraordinaire : quelques immeubles, la mer au loin et des bateaux qui y stationnent. Célibataire du début à la fin, plus seule que les autres, elle cherche dans ce pauvre panorama l’image qui sans doute manque encore. L’archipel peut-être, mais moins son éclatement que ce qui la soude.

R. L : Ce plan d’Akari penchée sur la ville peut faire écho au plan de Jun à la fin du troisième chapitre, penchée sur la rambarde de son bateau. L’un des bateaux, justement, que son amie observe de loin. S’il s’agit d’assumer des affects ou des sensations qui changent le rapport à ses proches et au monde, le film évite soigneusement toute résolution marquée et la dramaturgie de l’échange est aussi éloignée de celle du secret que de celle du changement de vie survenant suite à une prise de conscience. De ce point de vue, il assez symptomatique que Jun, le personnage le plus radical, disparaisse au terme du troisième chapitre. Elle est sortie, elle a traversé, mais nous restons avec les autres.

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Un film de Ryusuke Hamaguchi, avec Rira Kawamura (Jun), Sachie Tanaka (Akari), Hazuki Kikuchi (Sakurako), Maiko Mihara (Fumi), Shuhei Shibata (Ukai)

Scénario : Hatano Koubou, Ryusuke Hamaguchi, Tadashi Nohara,Tomoyuki Takahashi / Image : Yoshio Kitagawa / Musique : Umitaro Abe

Durée : 2h19 (épisodes 1 et 2) / 1h25 (épisodes 3 et 4) / 1h15 (épisode 5)

Sortie les 2 (épisodes 1 et 2), 9 (épisodes 3 et 4) et 16 mai (épisode 5)